III. L’étude de l’ADN fossile

Prélever de l’ADN : un risque à prendre

            L’âge d’un fossile étant important, l’ADN qu’il contient est très dégradé : sur les centaines de millions de séquences qu’il contenait, il n’en reste pas plus de 100. Et un fossile ne contient pas forcément de l’ADN. Or, pour pouvoir récupérer cette molécule, il faut réduire en poudre le fossile : il y a un risque de détruire inutilement un fossile, pour le malheur des scientifiques systématiques (les scientifiques ayant extrait le fossile de terre). Étant donné que les fossiles sont précieux par le coût d’extraction et l’information qu’ils contiennent, il faudrait être certain de pouvoir obtenir ce que l’on cherche. Or, cette certitude est impossible. On ne peut que déterminer et augmenter la probabilité d’obtenir de l’ADN.

Conditions opératoires

             Techniquement, récupérer de l'ADN à partir d'un reste fossile est une opération extrêmement délicate. Tout d'abord, ce qui reste de l'ADN fossile est généralement très dégradé, mais en plus, il faut faire attention à ne pas déposer de nouvel ADN dessus. Il serait regrettable, étant donné le coup et la difficulté de l’analyse, d’étudier un ADN autre que l’ADN fossile en question.

 

           Il est donc nécessaire de travailler avec un équipement stérile : blouse, charlottes, gants, et surchaussures à usage unique ; et dans des locaux dispensés d’autant d'ADN que possible. Pour cela, les surfaces sont nettoyées quotidiennement à l'eau de javel et en permanence exposées aux rayons ultraviolets. De plus, l'atmosphère est maintenue en surpression, afin d'éviter toute entrée indésirable d'ADN depuis l'extérieur. Toutes ces précautions visent à minimiser la part des contaminations par l'ADN actuel.

 

Protocole expérimental

Figure 3. Photographie d’une extraction d’ADN en salle blanche.

          Protocole opératoire de l’extraction d’ADN fossile : on commence par le broyage d'un échantillon d'environ cinq cent milligrammes d'un fossile. Ensuite, la poudre est mise à incuber plusieurs heures dans un tampon facilitant la dégradation des matériaux indésirables, tels que les protéines. S'il s'agit de poudre d'os ou de dents, on utilise un agent dissociant la matrice calcifiée.

L'ADN, s'il est encore préservé, est donc libéré dans le tampon. La suite des opérations consiste à le précipiter et le concentrer dans un volume facilitant sa manipulation. Mais à ce stade, ne subsistent que de rares traces d'ADN en mauvais état, d’où l’utilisation de la PCR (Polymerase chain reaction, soit amplification de polymérisation en chaîne).

 

       Cependant, si la technique présente l'avantage de ramener en quantités suffisantes des substrats qui ne demeurent plus qu'à l'état de traces, la technique peut, si l'on n'y prend garde, tout aussi bien multiplier à l’infini nos indésirables contaminants. L'étape est donc particulièrement risquée et délicate et nécessite de nombreux contrôles de qualité.

 

       En outre, les molécules d'ADN fossile étant particulièrement abîmées, les photocopier engendre de très nombreuses erreurs appelées coquilles. Il faudra donc encore dépouiller les exemplaires photocopiés de ces coquilles avant de recomposer la séquence finale. Pour preuve d'authenticité, la séquence doit être reproduite plusieurs fois, et de préférence, dans un laboratoire indépendant, afin d’utiliser à chaque fois un matériel différent.