L'observation des caractères morphologiques pour tirer des conclusions sur les mondes d'hier est à la base de la paléontologie. Elle permet de déterminer l’origine d’une espèce, en cherchant des ressemblances entre cette espèce du passé et une descendante actuelle. Après avoir mis en relation deux espèces qui semblent parentes, l’analyse de leurs différences sert à expliquer les crises évolutives passées.
Cependant les critères morphologiques peuvent être assez trompeurs. Des espèces très proches, voir des individus d'une même espèce, peuvent avoir des différences morphologiques très importantes. A l'inverse, des espèces éloignées peuvent se ressembler du fait d’une évolution convergente, notamment si elles sont soumises à des conditions de sélection similaires.
Cette méthode d’analyse manquait de fiabilité aux yeux de la communauté scientifique. Il fallait donc la compléter par une nouvelle méthode offrant des informations irréfutablement vraies.
Le manque de fiabilité des résultats des paléontologues, basés sur les caractères morphologiques, entraînait aussi des conflits avec les généticiens moléculaires dont les données contestaient les acquis des études des paléontologues.
La paléogénétique a permis de jeter un pont entre ces deux écoles de pensée : elle consiste en effet en l’analyse du matériel génétique ancestral persistant dans les fossiles. Elle réconcilie l’étude des fossiles et l’étude de l’ADN. Elle permet de mesurer directement les mutations au cours du temps. Cela était possible, jusqu'à présent, uniquement par déduction de la distribution des caractères et des allèles dans les populations actuelles (génétique des populations).
La paléogénétique s’est développée grâce aux travaux de chercheurs tel que Svante Pääbo, Directeur de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionniste de Leipzig en Allemagne. Svante Pääbo est l’un des fondateurs de la paléo-génétique. Il a apporté une contribution importante grâce à ses travaux sur l’ADN fossile, présent dans des ossements de fossiles remontant jusqu’à 50 000 ans.
L’évolution du matériel génétique contenu dans l’ADN est le reflet du processus de sélection naturelle par lequel les mutations aléatoires de l’ADN, favorables à la survie de l’organisme et de l’espèce, sont accumulées.
L’utilisation de l’ADN et des méthodes statistiques, ont permis, en tant que facteur d’information sûr, de confirmer les hypothèses émisent par les paléontologues.
Pour pouvoir extraire la précieuse molécule d’ADN des fossiles, des techniques de chimie, de physique ainsi que les statistiques sont couramment utilisées en plus des techniques propres à la paléontologie. Des précautions sont à prendre : il faut être certain qu’il n’y ait pas eu contamination de l’ADN étudiée par une espèce actuelle, et que l’individu étudié ne soit pas une exception de l’espèce, due à une mutation.
En outre, l’ADN est maniée en infime quantité , et les informations trouvées peuvent être insuffisantes pour préciser l’étude.
Nous développons ci-après quelques exemples d’application de la paléogénétique.
Exemples d’apports de la paléogénétique à la paléontologie :
L'étude de l'ADN de l'homme de Kostenki
Le séquençage du génome de l'homme de Kostenki, appelé ainsi d'après le village russe où son squelette a été découvert il y a 60 ans, a été effectué à partir d'ADN prélevé sur son tibia gauche. Il s'agit du deuxième génome le plus ancien de notre espèce jamais séquencé.
Les scientifiques ont découvert que l'homme de Kostenki avait un petit pourcentage des gènes de Néandertal, confirmant ainsi que le croisement entre Sapiens et Néandertal s'était déjà produit à l'époque où vivait cet homme il y a 36 200 à 38 700 ans.
L'étude de l'ADN de l'homme de Kostenki, qui vivait en Russie il y a 37 000 ans environ, a permis à des scientifiques de préciser le moment du métissage entre l'Homo sapiens et l'homme de Néandertal il y a plus de 5 000 ans.
Ils ont découvert que l'homme de Kostenki avait un petit pourcentage des gènes de Néandertal, confirmant ainsi que le croisement entre Sapiens et Néandertal s'était déjà produit à l'époque où vivait cet homme.
Quand les ancêtres des Européens actuels sont sortis d'Afrique pour se diriger vers l'Eurasie il y a 50 000 à 60 000 ans, ils ont rencontré les Néandertaliens, qui se trouvaient déjà en Europe et en Asie.
Les scientifiques ont utilisé les données génétiques pour déterminer que le croisement s'est produit il y a à peu près 54 000 ans. Résultat de cette hybridation : toute personne ayant un ancêtre eurasien - des Chinois aux Scandinaves en passant par les indigènes d'Amérique - a un peu d'ADN de Néandertal. Les chercheurs se retrouvent désormais face à une nouvelle énigme. Ils n'ont pas trouvé de preuve d'une poursuite du métissage alors même qu'il y a eu cohabitation entre les groupes pendant encore des milliers d'années. Le Néandertal aux arcades sourcilières marquées a vécu en Europe et en Asie il y a 350 000 ans et jusqu'à il y a 40 000 ans. Il a disparu après l'arrivée de l'Homo sapiens.
Paléopathologie
Certaines séquences spécifiques de Mycobacterium tuberculosis, bactéries de la tuberculose, ont été amplifiées dans une momie péruvienne naturelle de 1000 ans, soit avant l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Cela met en évidence l'existence d’une forme de tuberculose en Amérique du Sud à une époque précolombienne. Les paléontologues recherchent actuellement si cette bactérie a migré en Amérique ou était présente dès son origine sur ce continent. La maladie de Lyme est causée par des bactéries spirochètes (Borrelia) et transmise par des tiques. L’ADN de Borrelia a été trouvé dans des tiques desséchés ou conservés dans l’alcool depuis 1925, une génération avant la première description de la maladie. La maladie préexistait donc ultérieurement.
Migrations de populations ancestrales
L’analyse génétique d’ossements de sites polynésiens préhistoriques remet en cause l’hypothèse d’un peuplement des archipels de Polynésie par les descendants directs de proto-polynésiens. On pensait que ceux-ci avaient migré depuis les îles de l’Asie du Sud-Est jusqu’au Pacifique Central, il y a 2 500 à 3 600 ans. Or, les populations actuelles ont une part génétique plus faible, donc la plus antérieure, qui correspond à celle d’habitants des îles malaisiennes voisines. Une occupation plus ancienne de la Polynésie par ces habitants-ci a donc été démontrée.